Avant-hier, mercredi 5 octobre 2022, la salle des fêtes de la Mairie du 12e a bénéficié d'une participation exceptionnelle à la réunion dite de lancement de la concertation sur le réaménagement de la place Félix Eboué.
Alore que l'intitulé de la réunion laissait supposer que l'on allait débuter par un état des lieux et l'énumération des attentes exprimées par les riverains et usagers de la place, on s'est rapidement trouvés face à un projet qui ne laissait guère de place à la concertation.
Si cette situation n'excuse en rien l'agressivité qu'ont montré nombre de participants envers les intervenants (élus parisiens et services techniques de la ville), la réunion a quand même permis d'entendre certaines objections que les auteurs et défenseurs de ce projet ne pourront ignorer :
- le rattachement de l'ilot central au trottoir sud et la mise en double sens des côtés ouest, nord et est, laisse prévoir des importants engorgements au niveau des rues accessibles par des "tourne à gauche". L'expérience de la place de la Bastille est dans toutes les têtes.
Source : Parisien12 (via Twitter)
- les trajets des lignes d'autobus (46, 29, 64, 71) seront allongés et compliqués d'où un effet prévisible sur les temps de trajet et d'attente déjà sujets à mécontentement.
- les véhicules arrivant par la rue Taine devront contourner toute la place, c'est en particulier le cas des véhicules de pompiers venant de la caserne Lachambaudie et des autres services d'urgence.
- la rue Claude Decaen n'est plus accessible qu'aux piétons et aux cyclistes. Comment vont être livrés les commerces ?
- la partie sud de la zone centrale risque de devenir une extension incontrôlée des commerces riverains.
- pourquoi les riverains et usagers de la partie nord de la place seraient-ils défavorisés par rapport à ceux du sud pour accéder à la fontaine (important flux automobile à traverser) ?
- à l'est, le square ombragé devant la Caisse d'Epargne disparaît et la bouche de métro se trouve sur le plateau central, ce qui augmente le nombre de traversées imposées aux nombreux piétons qui y accèdent quotidiennement.
- une voie cyclable est envisagée sur la partie sud du terre-plain central, ce qui reporte au sud les conflits avec les piétons existant actuellement sur le trottoir nord. En réunion, il a été évoqué que cette voie pourrait être ouverte aux bus et aux services d'urgence, ce qui réduit grandement l'accès piéton au centre de la place.
- les intervenants affirment que de nouveaux usages de la périphérie de la fontaine sont à inventer, ce qui démontre qu'il n'y a aujourd'hui aucune attente des usagers en la matière.
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En 1906, l'architecte et urbaniste français Eugène Hénard (1849-1923) met au point un système de régulation des carrefours à giration, prédécesseur du rond-point tel qu'on le connaît aujourd'hui, afin que toutes les voitures tournent dans le même sens et pour réduire les risques d'accident. Il s'agissait aussi et surtout de régler les problèmes de circulation autour de l’Arc de Triomphe à Paris. Auparavant, les carrefours étaient en effet traversés dans les deux sens.
Alors que la France est le champion du monde des rond-points, est-il compréhensible que la ville de Paris supprime ceux qui s'y trouvent depuis des décennies pour les remplacer par un schéma que l'expérience devrait condamner ?
La mise en chantier est annoncée pour 2025. Nous prenons le risque de prévoir que d'ici là, ce projet qui repose essentiellement sur une idéologie sera ramené à la raison sous la pression des usagers, des services de la Préfecture et des Architectes des Bâtiments de France et qu'une voie circulaire à sens unique bordée par une piste cyclable sera maintenue tout autour de la place. Les élus sauront certainement justifier ce revirement sans se déshonorer.